Le songe de Jules et Léa

Publié le par so-philomene.over-blog.com

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Dans les songes de deux enfants naquit un monde où les individus apparaissaient tels qu'ils étaient, avec leurs rêves et leurs caractères.

Jules ne comprenait pas pourquoi ses parents se déchiraient si fréquemment, ni pourquoi des garçons à la sortie de l'école embêtaient d'autres enfants, ni pourquoi lorsqu'il voyait Sidonie il avait comme un creux dans l'estomac, ni pourquoi son amie Léa répondait toujours à côté lorsque l'instituteur l'interrogeait... Il ne comprenait tout simplement pas pourquoi les gens ne se comprenaient pas et se faisaient tant de mal.

Il se dit qu'un monde où tout se verrait comme c'est, où chacun apparaîtrait comme il est, ce serait bien plus facile. Alors il en parle à son amie Léa de ce monde imaginaire, et à deux, ils créent cet univers dans leurs petites têtes blondes. Ils y pensent si souvent, ils y croient tellement fort...

 

Un matin, comme tous les matins, Jules est réveillé par sa maman. Sa maman ne travaille plus depuis qu'il a une petite sœur et une grande maison dont il faut s'occuper tous les jours. Mais ce matin, sa maman est différente des autres jours. Ce matin, elle a de longs bras gracieux qui évoluent dans les airs comme les ailes d'un grand cygne. Ce matin, elle ne marche pas, elle danse lorsqu'elle se déplace. En bas des escaliers, son papa l'appelle, son papa qui se bat férocement tous les jours au tribunal pour sauver quelques millions à de grosses entreprises sans scrupules. Mais en arrivant dans la cuisine, Jules se frotte les yeux. Son papa aussi a changé. Il a de grandes mains tendres et douces aux doigts graciles. Lorsqu'elles se déplacent, elles laissent dans leur sillage un flot de paillettes multicolores qui restent en suspens dans les airs. Alors en prenant ses céréales, songeur, Jules se dit que sa maman serait bien heureuse en petit rat de l'opéra, et que son papa, avec toute sa bienveillance, est bien mal à sa place dans son cabinet d'avocats.

Quand sa maman entre à son tour dans la cuisine, elle regarde longuement les mains de son mari. Il la fixe à son tour lorsqu'elle s'approche de la table en virevoltant. Alors ils s'arrêtent face à face et se sourient, d'un grand sourire plus expressif que des mots, d'un grand sourire où ils se comprennent.

 

En sortant de la maison pour se rendre à l'école, Jules n'en croit pas ses yeux. Dans la rue, les gens portent des costumes colorés ou très sombres selon leur humeur, certains dansent, d'autres sont raides comme des piquets, il voit des pattes d'animaux, des bustes de fleurs, des visages rayonnant comme le soleil et des bras comme des guirlandes de fêtes foraines. En se penchant sur ses propres jambes qui bondissent de trottoir en trottoir avec la vitesse de l'éclair, un peu plus vite que d'habitude, il voit des pattes de guépard vives et nerveuses.

En arrivant devant le portail de l'entrée, il aperçoit Léa qui arrive par l'autre côté. Ses longues jambes ressemblent aux pattes graciles des cigognes prêtes à s'envoler et sa tête repose sur un buste flottant, comme un nuage aspirant à rejoindre le ciel.

« Tu as la tête dans les airs » lui dit Jules

« Et toi les pattes prêtes à parcourir les grandes plaines sauvages » répondit-elle doucement, un sourire flottant sur le coin de la bouche.

 

Heureux, ils regardèrent avec émerveillement ce monde sans faux-semblants qu'ils avaient créés dans leur imaginaire. Un monde dans lequel les gens pouvaient voir ce qu'était l'autre et le comprendre.

 

par Solène Brabant

Publié dans A points contés

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